Rüdiger ZYMNER
Université de Wuppertal, D

https://doi.org/10.26034/la.tdl.2020.1009

Résumé

Cet article décrit, dans un premier temps, certains problèmes non résolus par les nombreuses tentatives de définition du lyrique en tant que genre littéraire. Dans un second temps, il propose une nouvelle définition de la «poésie lyrique» (Lyrik) et donne quelques pistes pour une théorie «lyricologique», dans la perspective des mécanismes de réception cognitive de la poésie lyrique et des mécanismes cognitifs de définition du lyrique dans un but scientifique.

Mots-clés
CATÉGORISATION. IMAGE DU SIGNE LINGUISTIQUE. PERCEPTION. POÉSIE LYRIQUE. THÉORIE DES GENRES LITTÉRAIRES.
Plan
Article

La nouvelle théorie de la poésie lyrique1, dans les sciences littéraires, porte entre autres sur la question d’une définition critique de la poésie lyrique, aussi bien que sur celle de nouvelles catégories lyricologiques spécifiques, qui rendent possible une manipulation méthodologiquement contrôlée et conceptuellement affirmée de l’objet «poésie lyrique» (Lyrik), en tant que ces objets d’étude – le «genre poésie lyrique» ou respectivement «la poésie lyrique comme genre» – doivent justement être constitués à des fins scientifiques et littéraires.

Au long des deux derniers siècles ont en effet été proposées quantité d’acceptions théoriques de la poésie lyrique, aussi bien intra- qu’extralittéraires2. La plupart du temps, ces définitions sont cependant parcourues de problèmes, qui ont pour effet de provoquer des résistances à l’endroit de reconnaissance par la critique littéraire. Ainsi, les théories «pré-lyricologiques»  de la recherche en poésie ont en commun, de manière générale, d’être principalement fondées sur un paradigme trop étroit, trop ancien, trop sélectif et surtout trop européano-centré (soit ce qui concerne le corpus de poèmes à l’origine de cette définition) – un paradigme qui élève notamment au rang de quintessence du genre le «poème» classico-romantique, chanté, enfermé dans sa subjectivité monologique, peu foisonnant dans sa versification ou, dans certains cas, la poésie monodique de l’Antiquité grecque (de préférence le seul [!] poème de Sapphô conservé dans son intégralité), rendu étalon, dans les études littéraires, du critère de définition du genre: comme suit,

  • Comme si la poésie des Avant-gardes (Marinetti, Chlebnikov, Breton, Ball etc.) et la poésie post-avant-gardiste n’avait pas eu lieu;
  • Comme s’il n’y avait jamais eu de mouvement historique de relève, ou de libération de l’usage lyrique de la langue vis-à-vis de l’entrave métrique (qui, dans la poésie germanophone, remonte en somme au Rythme Libre de la «poésie absolue» de Klopstock, Goethe ou Hölderlin, puis aux vers libres et prosaïques d’Arno Holz, Bertolt Brecht etc., jusqu’à la poésie lyrique en prose de Hans Thill, Hertha Müller et même certains poètes de la «Nouvelle École de Leipzig» , comme Özlem Dündar et pour lesquels, dans d’autres littératures, on doit pointer les noms de Walt Whitman, Arthur Rimbaud, ou encore Ezra Pound et T.S. Eliot);
  • Comme s’il n’y avait pas eu une tendance tout aussi ancienne à la dérogation à toutes sortes de liaisons grammaticales et donc au délitement de la textualité (phénomène évident survenu dans de nombreux objets de la «poésie concrète» (Konkreten Poesie) à l’échelle internationale, mais également dans des genres particuliers de la poésie oulipienne tels que le «poème en une lettre» ou encore «le poème en un mot»;
  • Comme si n’avait jamais existé à très large échelle de poésie «longue» – comme déjà chez la plus ancienne poétesse connue nominalement dans le monde, la prêtresse mésopotamienne Enheduana, mais également chez Rimbaud, T.S. Eliot, Durs Grünbein et bien d’autres encore;
  • Comme si la tendance à faire des caractéristiques typographiques des textes un élément d’interprétation pertinent n’avait pas existé depuis les plus anciens témoignages pré-antiques attestant de l’existence de la poésie lyrique (ces témoignages allant des vestiges pré-antiques et antiques du Carmen figuratum, en passant par l’appel du mysticisme soufi, pertinent pour l’écriture calligraphique arabe, selon lequel il faut «aussi lire le blanc entre les lettres», jusqu’à la poétique du «poème silencieux» de Mallarmé ou encore aux constellations de caractères chez e. e. cummings, Ernst Jandl ou encore Thomas Kling);
  • Comme si une poésie monologique et, par extension, une poésie de l’expressivité subjective ne pouvait coexister avec quelque chose comme la «poésie objective» ou encore la «poésie de l’expressivité collective».
  • Comme si les fonctions normatives et formatrices partagées collectivement ou les fonctions cognitives et didactiques («cognition») n’étaient pas également caractéristiques, en plus de la fonction d’expression de la subjectivité et ce, depuis la poésie ancienne mésopotamienne, égyptienne et chinoise, en passant par la poésie en ancien arabe ou ancien hébreu, jusqu’aux temps présents;
  • Comme si aujourd’hui, les signes linguistiques lyriques ne franchissaient pas les frontières du manuscrit et du livre, et comme si la poésie contemporaine ne tendait pas à une rencontre entre le médial et le performatif, ou à l’hybridité linguistique et sémiotique.

D’un point de vue méthodologique, de nombreuses tentatives de définition du genre tiennent trop peu, ou pas du tout compte du fait que l’objet d’observation (c’est-à-dire «le lyrique») n’est pas insensible à l’observation, ni à l’observateur lui-même – la règle de Werner Heisenberg selon laquelle «l’alignement (de fragments)» (Bogen (der Teilchen)) est créé par son observation s’applique aussi en principe au genre de la poésie lyrique. Dans de nombreuses tentatives de définition de la poésie lyrique, on ne prête pas attention de manière conséquente au fait que dans la définition de l’objet et, de manière générale, dans le traitement de l’objet (qu’il s’agisse du lyrique ou d’une structure lyrique unique), la position historique et herméneutique du chercheur qui l’étudie doit être prise en compte, au même titre que les mécanismes cognitifs spécifiques qui jouent un rôle dans l’étude de la poésie lyrique.

D’un point de vue épistémologique, la plupart des définitions de la poésie lyrique, des idées trop vagues ou trop faibles, ont un impact sur ce que sont réellement les genres (littéraires) et sur la fonction des concepts scientifiques pour la constitution des genres. On prête peu ou pas du tout attention au fait que les genres ne sont pas des entités aux frontières nettes (par exemple dans le domaine des idées), ni des objets abstraits, mais bien plutôt qu’ils nous parviennent en tant que normes de communication ou comme des exemplifications de normes de communications, à travers lesquelles des schémas cognitifs socialement partagés sont mémorisés de manière extra-somatique. Ces catégories «naturelles» n’ont pas de frontières nettes et ne sont pas des «unités de stockage» (Container) (logiques) ou des «tiroirs» (Schubladen) littéraires, mais des frontières perméables qui sont ouvertes ou mouvantes vis-à-vis d’autres catégories; dont le centre est une somme d’exemples saillants qui imprègnent nos représentations.

La poésie lyrique, la poésie épique et le drame se laissent difficilement séparer de manière hermétique sans superposition et «effilochages» (Ausfransungen), tout comme l’aphorisme, l’essai, le mémoire et bien d’autres encore – ou seulement théoriquement et uniquement de manière générale sur la planche à dessin du chercheur, en niveaux de gris et, techniquement, au prix d’une disposition peu plausible positionnée contre les normes de communication ou simplement en ne tenant pas compte de celles-ci, au prix de nombreux «sacrifices» de définitions aussi regrettables qu’inutiles. En revanche, l’étude de corpus littéraire concret révèle toujours des effets de transition et des frontières floues dans la catégorisation – comme suit dans le cas de la poésie lyrique

  • De la poésie à l’épique poétique, mais aussi
  • De l’épique à la poésie épique;
  • De la poésie à la poésie dramatique, mais encore
  • Du drame à la poésie dramatique/scénique.

À nouveau, les genres ne sont pas des «unités de stockage» (Container) fermées et donc différentielles dans un système de genres-tiroirs clos; il s’agit bien plutôt de considérer les genres comme vaguement délimités, et comme des schémas cognitifs multiples et mouvants, que nous rencontrons tous linguistiquement en tant que normes de communication.

Les définitions scientifiques littéraires de la poésie lyrique n’ont jusqu’à présent pas tenté de conceptualiser l’ouverture constitutive du schéma cognitif du lyrique, la catégorie «poésie lyrique» (Lyrik) et ses normes de communications établies, ou alors, sans succès. Une fixation conceptuelle, une définition du lyrique est cependant indispensable, du moins dans les contextes scientifiques, pour rendre possible la compréhension d’un objet rendu stable par la formation de concept, pour ordonner le monde difficilement cernable de la poésie, pour les relations du monde scientifique avec le genre, ainsi que pour permettre une découverte méthodologiquement contrôlée de la connaissance. Les appareils conceptuels des sciences littéraires (et donc également la conceptualité des genres) sont des instruments pour une compréhension contrôlée plutôt que stable, ou mieux: des objets ou des faits rendus stables dans le but d’explorer et d’étendre la connaissance. Il n’existe cependant, de manière immanente, aucune «juste» définition, ni aucune «juste» forme du concept. Cependant, des considérations pragmatiques et un encadrement de la définition jouent un rôle à cet égard. Ainsi, dans une discussion en situation d’enseignement à l’université, un concept peut être défini formellement en termes de contenu d’une manière différente que par une entrée dans un ouvrage lexical spécifique. Du point de vue du contenu, ce concept peut être défini différemment que dans une étude d’histoire littéraire – même les cas présentés ne sont pas si différents les uns des autres, la définition du concept doit rester orientée vers des normes de communication socialement partagées.

Les normes de communication peuvent inclure non seulement le contenu désigné par le concept, mais également le nom du concept lui-même. Ici, il est particulièrement important de considérer que le concept d’une notion de genre peut non seulement avoir une histoire (l’histoire des termes), mais peut aussi désigner le nom du terme (l’histoire des mots). L’étude des mots de la désignation conceptuelle peut conduire à l’impression que le terme ne désignait pas toujours le concept visé, mais qu’à certaines époques déterminées et dans certains contextes pragmatiques déterminés il pouvait désigner un référent diamétralement différent. Inversement, l’histoire des concepts, c’est-à-dire l’histoire de la notion, peut conduire à l’idée qu’il n’a pas toujours et dans tous les contextes pragmatiques été désigné par le même terme, mais qu’il pourrait y avoir d’autres mots désignant le concept scientifiquement reconstruit, dérivé des normes historiques de la communication. Tout ce qui a été et est désigné, par exemple par le mot (germanophone) Lyrik, ne doit pas être rattaché à un seul et même concept scientifique déterminé de la «poésie lyrique», et le concept historique de la «poésie lyrique» ne doit pas être désigné par le mot Lyrik (des alternatives ont été discutées ici, surtout depuis le milieu du XXᵉ siècle; à titre d’exemple, le mot Poesie, dans la période qui précède 1800, en allemand, désignait soit «l’art du poème lyrique», soit la «lyrica»; et bien sûr, il faut aussi tenir compte des noms issus d’autres langues, tels que poetry, lyric, poésie lyrique, lirica, ou auparavant, melos, carmen, kayva, shi’r ou encore wen/shi etc.) Le baptême scientifique du concept de «poésie lyrique» ne devrait également pas, en ce sens, nécessairement se traduire par le terme Lyrik, même si c’est souvent le cas pour des raisons pragmatiques (du moins dans l’espace germanophone).

Un appareil conceptuel des sciences littéraires permettant d’appréhender le genre doit donc non seulement prendre en compte les mécanismes cognitifs de catégorisation ainsi que la «nature» sociale des genres, mais se doit également de prendre en compte les aspects sémasiologiques et onomasiologiques du concept scientifique ainsi reconstruit. De plus, on devrait constater que les définitions du genre ne décrivent en aucun cas – ou ne déterminent pas – un état permanent, mais sont plutôt des normes pour une compréhension scientifique préliminaire d’acceptions conceptuellement stabilisées en tant qu’outils de connaissance. C’est en ce sens qu’il ne suffit pas de distinguer le nom de la notion (le mot) et le contenu de la notion (le concept); il est aussi nécessaire de distinguer le mot, le concept et l’objet/chose auquel le mot et la notion se réfèrent. La notion de «lyrique» est aussi peu productive que le nom de la notion, «lyrique» lui-même; ceux-ci sont déterminés par le nom donné à la notion et par le concept comme outil de compréhension. Les mécanismes de formation de concepts scientifiques peuvent avoir un effet exploratoire, que quelque chose comme le lyrique en premier lieu soit découvert, bien qu’il n’existe encore ni un concept de «lyrique», ni nom pour celui-ci (dans la culture donnée, à une époque différente de la nôtre: mesuré à l’échelle d’un terme scientifiquement reconstitué tel que «lyrique», tel ou tel objet peut déjà respectivement constituer de la «poésie lyrique» (Lyrik).

Si, en tant que lyricologue qui emporte dans sa boîte à outils scientifiques des suppositions a priori au sujet de la théorie du genre, on élargit sa perspective historique et conceptuellement reconstruite portée sur le genre «poésie lyrique» et, pour des raisons historiques et systématiques on s’éloigne d’une fixation européenne du genre, à savoir une incarnation de la poésie lyrique rattachée à son milieu essentiellement de celle qui rattache le genre à son type classico-romantique –, on doit constater qu’il est impossible de maintenir une acception du genre «poésie lyrique» qui ne soit une acception comparatiste (orientée vers le global et non européano-centrée), avec à titre d’exemple:

  • Que la poésie possède différents supports physiques. Il s’agit principalement de l’écrit et de la voix comme modalités du langage, mais il peut également s’agir de signes (notamment dans le cas de la poésie en langue des signes). D’autres modalités sont concevables, mais la lyricologie, en sciences littéraires, s’est intéressée presque exclusivement à la poésie manifestée graphiquement ou phonétiquement. En outre, il faudra déterminer et retenir,
  • Que la poésie – quel que soit le support physique qu’elle utilise – représente des signes linguistiques, c’est-à-dire des signes de langage.
  • Que la poésie manifestée graphiquement ne peut pas toujours être inscrite dans la textualité, mais que les structures linguistiques lyriques manifestées dans la modalité de l’écrit peuvent se composer de «non-textes», de constellations de signes écrits qui ne sont grammaticalement pas reliées (dans la perspective de la linguistique textuelle: sans cohérence syntaxique ni cohésion sémantique), voire de caractères isolés;
  • Que la poésie manifestée graphiquement ne doit pas systématiquement être considérée comme fictionnelle ni comme représentation du fictif, mais qu’elle peut également être factuelle;
  • Que la poésie manifestée graphiquement n’est pas toujours liée par la métrique, mais peut aussi apparaître sans aucune organisation métrique (comme dans les poèmes en vers libres, dans les poèmes dits «en un mot», dans des poèmes en prose ou dans de nombreux exemples de poésie concrète);
  • Que la poésie manifestée graphiquement ne doit pas être orientée vers le monologique et/ou la subjectivité, mais qu’il existe une poésie «dialogique» (Wechselrede) et «objective» (objektive);
  • Que la poésie manifestée graphiquement ne peut pas toujours être imputée à la «littérature» du système social qui se constitue aux alentours du XVIIIᵉ siècle (et de la modernité), mais qu’il existe également une poésie avant, pendant et après la «littérature»;
  • Que la poésie manifestée phonétiquement ne relève pas systématiquement du discours organisé, mais que les structures linguistiques lyriques peuvent consister en des «non-discours», en des constellations de signes discursifs non liées et même en des signes discursifs uniques;
  • Que la poésie manifestée phonétiquement n’est ni systématiquement fictionnelle, ni une manifestation fictive, mais qu’elle peut tout à fait être factuelle;
  • Que la poésie manifestée phonétiquement ne doit pas toujours être monologique et/ou orientée subjectivement, mais qu’il existe également une poésie «dialogique et ‘‘objective’’»;
  • Que la poésie manifestée phonétiquement ne peut toujours être inscrite dans le système social de «littérature», mais qu’il existe une poésie phonétique, avant, pendant, et après la littérature.

Toutes ces observations laissent entendre que la prétendue «théorie de la subjectivité de la poésie», principalement associée aux noms de Hegel, Vischer, Staiger et qui postule de façon normative un emboîtement «ambiant» du sujet et de l’objet de la «vraie poésie lyrique», ne peut rendre justice au problème de la poésie lyrique, de même que les théories additives de la poésie lyrique (par exemple chez Killy, Kraft, Müller-Zettelmann), qui alignent des éléments ou des tendances du genre, ne peuvent expliciter la notion de poésie lyrique. Ni la dénommée théorie de la forme (pure) de la poésie lyrique (Burdorf), selon laquelle, en somme, tous les poèmes au sens de «discours oral ou écrit en vers» comme constituant du genre «poésie lyrique», ni la théorie du langage (pur) de la poésie lyrique, qui recherche une «langue du poème» par opposition au «langage quotidien» ne peut résoudre le problème «poésie lyrique». Finalement, la combinaison des théories de la langue et de la forme (Dieter Lamping: la poésie comme discours individuel en vers) ne peuvent être convaincantes que pour le poème lyrique en tant que genre important pour la poésie lyrique, et non pour le genre «poésie lyrique» dans son ensemble.  Les théories narratologiques de la poésie lyrique, qui déclarent que la poésie lyrique dans son ensemble3 est une forme de récit atrophiée (Nünning; Schönert; Hühn), sont également peu plausibles et peu efficaces. Les théories qui comprennent la poésie lyrique comme de la fiction performative (en particulier Hempfer) ou comme un «discours épidictique» (Culler) sont également problématiques à bien des égards.

Dans ma théorie de la poésie lyrique comme objet (Lyrik. Umriss und Begriff et Funktionen der Lyrik), orientée dans la perspective des sciences cognitives, destinée à valoir comme compréhension comparative dans le but de l’établissement d’une histoire globale de la poésie lyrique, je propose donc de procéder de manière empiriquement pertinente et inductive et de placer la simple circonstance au centre de la conceptualisation scientifique, que tous les exemples que nous associerions au schéma cognitif socialement plus ou moins clairement établi de «poésie lyrique» et au terme Lyrik, qui est utilisé en allemand depuis environ deux cents ans, sont avant tout des structures linguistiques –  (la plupart du temps: graphiques ou phonétiques) du langage. Cependant, la poésie partage cette caractéristique générale avec tous les genres «poétiques» et, par exemple avec des textes non littéraires – on pourrait même dire de ce constat qu’il relève du trivial, et se demander quelles autres propriétés ou caractéristiques distinguent les structures de signes linguistiques, que nous comprenons comme de la poésie lyrique, des autres structures de signes linguistiques.

Afin de pouvoir déterminer ces «caractéristiques ou propriétés» et de pouvoir décrire plus précisément le concept «poésie lyrique», je voudrais à présent reprendre certaines réflexions de Ludwig Jäger au sujet du statut de la «langue comme médium», respectivement de la «langue-médialité» (Sprachmedialität). Comme nous le constaterons, les propositions de Jäger permettent de reconstruire une notion de poésie lyrique empiriquement plus valide et épistémologiquement plus fiable que les concepts élaborés jusqu’alors par différentes théories de la poésie lyrique.

Au centre de ses réflexions médiologiques, Jäger situe tout d’abord le mot-clé «obstination» (Eigensinn): il définit la langue (en général et en tant que langue) comme un «médium de génération d’obstination» (Medium der Generierung von Eigensinn).4 «Médium» (Medium) ne signifie pas, en ce sens, que la langue est une «technique» ou un «outil de représentation» pour la médiation d’un sens transcendantal (et, à cet égard, le choix des mots de Jäger n’est bien sûr pas sans problème), mais qu’elle est (dans le sens de Wilhelm von Humboldt) elle-même un «organe de formation» de la pensée. La langue possède fondamentalement une «médialité» et est un médium en tant qu’elle constitue du sens – et donc: de l’obstination (Eigensinn) – en tant que processus:

«Obstination» signifie donc un sens, qui n’intervienne pas dans les processus de transmission en tant que sens linguistique transcendantal, mais qui est plutôt produit dans un système. Les informations qui sont communiquées, envoyées, adressées dans le processus linguistique ne sont pas des informations d’instances linguistiques transcendantales – dans un esprit pré-linguistique en somme – introduites dans des processus linguistico-communicationnels.5

Selon Niklas Luhmann, celles-ci sont bien plutôt

construites, démantelées et actualisées dans la communication, éventuellement actées, éventuellement nouvellement thématisées. Elles n’interviennent pas dans le système en tant qu’opérations de la conscience, ni en tant que connaissance d’un système psychique, qui existe en amont, ainsi que dans la communication.6

Avec le mot-clé «obstination» est donc révélée la conception selon laquelle la langue serait, en elle-même et pour elle-même, un «médium» authentique de la génération procédurale du sens, un processus:

qui ne transmet et ne véhicule pas un contenu transcendantal sur le plan linguistique, mais plutôt des contenus authentiques. […] Les contenus sémantiques des signes linguistiques ne traversent […] pas simplement leur médiation par l’expression de signes; ils sont constitués sur un mode médial de complétion performative.7

Pour soutenir sa conception, Jäger introduit une série d’arguments bio-évolutionnistes et paléoneurologiques qui mobilisent en particulier l’avènement de la marche en position debout, la bipédie qui en résulte et l’augmentation de la surface crânienne dans la région frontale-temporale moyenne qui l’accompagne, et donc, de même, du volume cérébral, qui reviennent en somme à comprendre la langue comme le lieu de constitution de l’humanité («Vom Eigensinn des Mediums Sprache» 48). Jäger s’écarte donc également d’une théorie de la représentation du signe linguistique et se rapproche d’une théorie interactionniste8 et la représente d’ailleurs formellement lorsqu’il souligne:

Nous participons à des processus de translation de toutes sortes, mais nous assignons une signification aux séquences de sons liées entre elles, aux figures graphématiques ou aux gestes situés en avant de notre propre savoir linguistique. Les expressions de signes à partir desquelles nous faisons sens, n’ont aucune signification immanente. Elles ne sont rien d’autre qu’une chaîne plus ou moins structurée d’événements physiques. Dans les interactions linguistiques, les deux parties, tant les expressants que les comprenants dans le flux de leur traitement symbolique expressif et productif, activent leur connaissance individuelle des significations, de sorte que le processus d’attribution du sens demeure extrêmement fragile en termes de réussite du processus de compréhension.9

En ce sens, la langue peut être définie comme fondamentalement obstinée – en somme, elle ne transporte pas du sens, elle génère du sens de manière procédurale –: de l’obstination, justement.

La langue signale donc sa «médialité» (au sens de Jäger) non pas de manière propre: celle-ci est rendue visible par un processus. Cette observation vaut particulièrement dans le cas de la dénommée «transcriptivité récursive» (rekursive Transkriptivität) de la langue, et donc pour la compréhension et le contrôle de sa propre expressivité, auprès de laquelle peuvent être identifiés non seulement des perturbations de sa propre expression, mais également des «intentions de discours propres construites par le travail transcriptif des segments expressifs correspondants». Ces perturbations et retouches, du propre à soi aussi bien que du propre à autrui, peuvent dans de nombreux cas être identifiées comme «les conditions de possibilités de la constitution linguistique de la signification»:

Elles sont, pour ainsi dire, les conditions à réunir pour que la génération de sens immanente au médium puisse se produire – c’est-à-dire sans flux transcendantal du sens à partir du kinos cartésien et du monde extérieur ontologiquement structuré. En bref, elles sont les conditions de possibilité de l’obstination linguistique.10

Pour finir, est postulé que

Connaître la signification d’un signe linguistique implique de connaître les possibilités de retour en territoire sémantiquement familier lorsque «l’étrangeté» (Befremdung) sémantique devient évidente en se manifestant par des méandres de même nature (paraphrases, explications, indication de synonymes etc.), c’est-à-dire par la réécriture (transcription) du sens perturbé.11

La «conscience» ne peut donc pas être comprise comme une propriété interne des cerveaux individuels, mais comme une structure externe. Le principe selon lequel «l’homme» dépend de l’utilisation de signes transcriptifs externes fait donc partie de «notre programme».

Les «perturbations» (Störungen) et les «transcriptions récursives» (rekursive Transkriptionen) ne se produisent pas systématiquement ou de manière programmée dans le langage ou ses manifestations. «L’obstination» (Eigensinnigkeit) du langage devient plutôt visible de manière récurrente (même s’il existe évidemment des possibilités fondamentales de forcer les transcriptions récursives par des «perturbations» intentionnelles). En revanche, ce principe fonctionne de manière inversée dans le cas de la poésie.

À la suite des considérations effectuées jusqu’à présent, la poésie lyrique peut être comprise, dans son ensemble, comme un formatage particulier du langage dont le programme génériquement caractérisant consiste presque intégralement en une «étrangeté sémantique» (semantisches Befremden), à concentrer les «perturbations» (Störungen) linguistiques du système de référence ou du display de la facture et/ou de l’information, et à provoquer ainsi la possibilité de «transcriptions récursives» (rekursive Transkriptionen) par le destinataire, qui ne sont rien d’autre que des processus de l’optimisation de la réception de la signification. Ces processus d’étrangeté sémantique et d’optimisation de la réception de la signification à l’endroit des méandres sémantiques sont générés dans la poésie lyrique par son format caractéristique et déterminant pour le genre, et ce principalement par des procédés métriques et stylistiques, par des particularités thématiques et informationnelles, ainsi que par l’organisation perceptive et pertinente pour la compréhension du dispositif (typo)graphique et de la police de caractère.

Le lyrique se laisse donc définir comme le genre qui démontre ou, respectivement, rend visible de manière démonstrative la genèse du sens linguistico-procédural, soulignant ainsi l’obstination de la langue. Autrement dit: la poésie lyrique est à définir comme le genre, dont la caractéristique générique consiste en le fait de représenter une monstration de la «médialité» linguistique. Je propose donc que le terme «poésie lyrique» soit en premier lieu employé dans un sens général désignant toutes les unités de perceptions («configurations») de diverses modalités linguistiques dont les caractéristiques de formatage (c’est-à-dire informer sans expliciter ce geste) indiquent que la langue est un médium de la genèse de sens.

Dans la recherche littéraire en sciences cognitives et plus particulièrement, comme c’est présentement le cas, dans la recherche prenant pour objet le dénommé foregrounding, on s’est intéressé à la théorie de «l’écart» (Abweichungen) et de la «défamiliarisation» (Verfremdung) («ostranenie», «actualisace»), en tant que «procédé» qui «désautomatise» la perception de la littérature. Dans ce rapport, nous conceptualisons les caractéristiques ou les perturbations individuelles d’un texte – qui d’une manière ou d’une autre, «captivent» le lecteur ou l’attention du lecteur – par le mot-clé psychologisant «d’attracteur». Une argumentation cognitiviste prend ici pour point de départ l’hypothèse selon laquelle la contrepartie réceptive d’une évidence dans un texte est l’attention générée par cette évidence: dans cette perspective, l’évidence est donc un attracteur qui capte l’attention du destinataire, détermine la réception et, finalement, la compréhension d’une structure de signes linguistiques par la constitution processuellement dynamique de la perception en figureground12.

Une condition préalable importante pour un processus de réception couronné de succès est le maintien de l’attention du destinataire. C’est pourquoi «newness is the key to attention» (Stockwell 18). Une structure de signes linguistiques stimule l’attention par certains traits visibles qui, – comme des «figures», un «fond» – se distinguent de leur environnement. Dans des textes narratifs, il peut s’agir de traits caractéristiques de l’organisation des figures ou encore d’un développement de la tension narrative, alors que dans la poésie lyrique, il semble que «neglect caused by lack of action or characterisation is mitigated by stylistic inventiveness»13:

Lorsque notre attention est divisée (généralement par un texte littéraire complexe avec plusieurs personnages intéressants, des thèmes et un mélange de caractéristiques stylistiques [Hervorhebung RZY]), il y a plusieurs façons de comprendre quelles parties nous trouvons les plus intéressantes.14

Ce sont des formes de la désautomatisation ou de la défamiliarisation, saillantes et qui forcent l’attention (nous pourrions également simplement employer le terme général de «perturbation»), qui, en tant que caractéristiques visibles d’une structure de signes linguistiques, représentent des attracteurs pour le destinataire, dont l’attention est à son tour stabilisée et renouvelée dans le processus de réception, précisément par la présence de ces attracteurs. Une diversification de la compréhension de structures littéraires de signes linguistiques s’explique donc entre autres par une diversification des «indices d’attention». Cette diversification est fondée sur la nouveauté et la complexité de la facture et/ou de l’information15. La complexité consiste en la perception, ou respectivement la perceptibilité, d’une «multiplicité d’éléments» qui permettent une densité de l’image-fond.

Cette densité du foregrounding, la multitude d’attracteurs mènent en général à des processus complexes de compréhension, selon la formule courte: extra structure, extra meaning16. Un autre effet de la complexité esthétique est ce que Sklovskiy appelle le retard du processus de réception.

Le procédé de l’art est le procédé «de défamiliarisation» des choses et ce procédé est la forme aggravée d’un autre, qui augmente la difficulté et la longueur du processus perceptif, puisque celui-ci est la fin en soi de l’art et doit donc être prolongé.17

Je propose à présent de comprendre les «perturbations» particulières des modalités linguistiques de la poésie lyrique comme des facteurs spécifiques d’attraction. Ce qui est décisif ici, c’est le lien ou l’interaction entre le formatage (de la structure autonome des signes linguistiques) et la perception (par le destinataire), qui – dans le processus de réception – mène au texte ou à la structure des signes linguistiques, formés cognitivement par le destinataire. La conceptualisation des «perturbations linguistiques» en tant qu’attracteurs a l’avantage d’intégrer la dimension de la perception dans la théorie littéraire. À l’inverse du concept d’ «écart» (Abweichung), il n’y a aucune obligation de reconstruire une norme, et contrairement au concept d’«écart poétique» (poetischen Abweichung), il n’y a aucune obligation de nommer des fonctions internes ou externes. Les attracteurs de la poésie lyrique sont en effet souvent ceux qui rendent possibles l’organisation des formes complexes. Cette complexité organisée

est fondée sur la perception par le lecteur d’une multitude de segments ou d’unités, qui sont disposés en schémas ou forment de tels schémas. Le lecteur doit d’abord percevoir les caractéristiques et les modèles linguistiques, puis créer une relation dialogique, c’est-à-dire comprendre comment ces éléments linguistiques sont «intriqués». À cette fin, un auteur se doit de choisir parmi toutes les possibilités offertes par le répertoire linguistique (y compris les nouvelles créations).18

Par ailleurs, le «chaos» et le «hasard» sont également des possibilités de génération de complexité – des possibilités qui ne doivent pas être exclues, en particulier dans le cas d’une tentative de conception d’une définition englobante de la poésie lyrique qui désigne les manifestations graphiques et phonétiques, les performances et la surface que représentent les structures d’images textuelles. Certains attracteurs typiques, qui sont utilisés de manière récurrente dans la pratique historique et donc stabilisés sur le plan fonctionnel et qui favorisent en ce sens la perception de la complexité organisée en poésie lyrique, sont d’ordre analytiques, notamment

  • La rime représentée de manière graphique ou phonétique
  • Le vocalisme ou le consonnantisme représentés de manière graphique ou phonétique (euphonétique ou phonesthétique)
  • Les attracteurs prosodiques représentés de manière graphique ou phonétique (la métrique/le rythme)
  • Les schémas d’organisation globaux représentés de manière graphique ou phonétique (la forme des strophes, la forme du poème)
  • Les figures de style représentées de manière graphique ou phonétique.

Ces attracteurs, que l’on peut attribuer à la facture (Faktur) [le comment], peuvent générer une complexité organisée, isolée ou synthétisante – en particulier lorsqu’un lien «motivé» ou «caractéristique d’un schéma d’organisation» entre la facture et l’information [le quoi] est perçu. Ainsi, la rime à la Karl Kraus peut être interprétée comme «Ufer, wo sie landen, sind zwei Gedanken einverstanden» (et non comme une cloche de rime sans signification), ou comme un enjambement comme dans les dernières lignes du «Du liegst im großen Gelausche» de Celan comme une «illustration» de cette «stagnation».

De manière générale on pourrait dire que vient «en premier lieu l’attracteur, puis, la transcription récursive» (Celan 315). L’attracteur ou les attracteurs les plus denses de la structure lyrique, comme nous l’avons exposé, font signe vers une «obstination» de la langue, perception qui est une interprétation primaire de la structure lyrique. S’ensuit un processus de transcription récursive d’optimisation du sens.

Cette transcription récursive d’optimisation du sens commence déjà avec les premières hypothèses de sens que le lecteur d’un texte lyrique produit durant les opérations de base de lecture physiologique par saccade et par la fixation lors du «balayage» visuel de l’écrit. On peut observer des phénomènes similaires à l’écoute de poésie. La constellation de la transmission dans la poésie lyrique représentée phonétiquement se divise en trois étapes – une qui se déroule chez le locuteur de manière intrasomatique, une qui se déroule dans le milieu porteur que représente l’air, et une qui se déroule chez l’auditeur, de manière intrasomatique également. Chez le locuteur (ou également, si le contexte l’indique, chez le chanteur):

l’information codée apparaît, entre autres, sous la forme de signaux dans le milieu porteur des voies nerveuses efférentes avant de se manifester sous forme de mouvements initiés par les muscles (aérodynamique) des organes de la parole (par exemple les cordes vocales, le vélum, la langue et la mâchoire). Ces mouvements génèrent des schémas d’oscillation qui se propagent dans l’air officiant comme milieu porteur. Ceci est la manifestation de l’information codée au cours de la deuxième étape, la transmission, par le biais du rayonnement de l’information manifestée sous forme de schémas d’oscillation, pour finalement parvenir à l’auditeur, où commence la troisième étape, la réception. À ce stade, en route vers l’oreille interne via les supports que représentent le tympan et la membrane basilaire sont prises en charge différentes manifestations mécaniques (et acoustiques) qui sont finalement transformées en signaux sur les voies nerveuses afférentes, qui les guident vers les zones correspondantes du cerveau de l’auditeur.19

Les signaux qui sont falsifiés ou «modifiés» (et non simplement copiés) conduisent finalement – pour ainsi dire, successivement, à chaque signal supplémentaire – à des hypothèses, des corrections puis à de nouvelles hypothèses sur ce que l’on entend réellement ou sur ce qui est dit ou chanté. Les prémices de la constitution de ces hypothèses apparaissent déjà dans le seul son de la parole:

De plus récentes théories phonétiques, après l’échec de tentatives de définition articulatoire et acoustique, supposent que le son de la parole intuitivement produit est constitué comme une unité discrète pour l’auditeur, et ce uniquement pendant le processus de perception de la parole à partir des propriétés du signal acoustique en lien direct avec sa connaissance du langage.20

La séquence de perception et d’interprétation primaire des attracteurs et l’optimisation ultérieure de la signification de ce qui est entendu, vu ou lu doit être modélisée analytiquement de manière distincte, dans la réalité physique (ou du moins ce que nous pouvons appeler la réalité physique) de produit probablement sur une durée aussi courte qu’un clignement des yeux.

Au-delà de la perception primaire des attracteurs du langage obstiné, la poésie lyrique mène à plus et à d’autres choses que la simple perception de la «médialité» du langage. La poésie lyrique peut être comprise par-delà le principe de perception primaire – analytique,  secondaire – comme médium d’une distribution discontinue d’information, en tant qu’elle se saisit de bien plus que de la simple question de obstination de la langue, à savoir des milliers de thèmes traités dans une langue obstinée: il peut s’agir de l’amour, de la mort, de la nature, des saisons, du soleil, de la lune et des étoiles, de Dieu et du diable, de la sensibilité d’un destinataire lyrique et des informations d’un destinataire lyrique, des impressions de moments, de la première dent et du dernier soupir, de la baignade dans les ruisseaux et les lacs et d’autres divertissements tels que le match de football, de l’avenir et du passé, du sérieux et de l’humour, de l’histoire et de la politique21. En fin de compte, on peut produire une structure lyrique à partir de tout et de n’importe quoi, et vice-versa: la poésie lyrique n’est pas un genre qui peut être défini thématiquement et déterminé à partir de fixations thématico-informationnelles (même si des distinctions historiques et littéraires peuvent être faites sur la base de thèmes qui sont ou ne sont pas encore «apparus», voire sont modifiés et ressaisis).

Dans les structures lyriques, il s’agit également de ne pas se contenter de fournir à un destinataire un savoir propositionnel afin de l’informer sur un sujet spécifique, mais plutôt du jaillissement d’une évidence esthétique22 à partir de l’interaction réceptive de la facture, de l’information et de la police de caractères ou de la performance d’une manière non propositionnelle. La poésie lyrique ne transmet pas uniquement la teneur d’une expérience […], qui pourrait «effectivement être communiquée dans des modalités courantes» (Schmücker 275). Elle constitue plutôt une preuve, par saturation ou par densité du perceptible, de tout «contenu» couramment reconstituable (ce qui peut, et même doit, signifier: subjectif, voire idiosyncrasique). Elle est donc capable de convaincre esthétiquement plutôt que discursivement.

Les attracteurs de la structure lyrique sont des indices de la «médialité» de la langue et appellent, en même temps, le destinataire à la focalisation de son attention. En principe, les propositions de stimuli initialement diffus que représentent les signes linguistiques «multicodés» sont translatés, à la réception, en «schémas significatifs» (par exemple, des formes sonores, des formes métriques, des formes de caractères, des structure-texte-monde sous forme de frames et de scripts, des configuration performatives etc.). Ces «schémas significatifs» sont donc générés par le destinataire au moyen de ses capacités cognitives dans le cadre de ses possibilités cognitives. L’évidence esthétique de la structure lyrique découle de la saturation «multicodée» et de la soudaineté des perceptions de structure – il s’agit donc en somme d’une «expérience de congruence», expérience de sens sensoriellement soudaine et complète (au sens d’expérience inconcevable et multimodale). Cette «expérience sensorielle» peut bien sûr être préparée par une réception retardée ou méditativement lente, tout en demeurant «fulgurante». La saturation et la soudaineté sont favorisées par la «contrôlabilité» de la structure lyrique (et non pas déterminées). Il y a ici un rapport avec la longueur typique des structures relativement limitées en comparaison à d’autres. La concentration de l’attention guidée par les attracteurs peut, dans le cas de la poésie lyrique, être décrit comme une forme d’induction de transe (c’est-à-dire comme l’initiation d’un état d’attention «dirigée vers l’intérieur» et sur soi); l’expérience de l’évidence esthétique conçue comme l’expérience d’un état de flow23.

En termes de théorie de la poésie lyrique, il s’agit toujours fondamentalement de l’évidence esthétique de la poésie lyrique, par exemple lorsque l’on parle de sa «profondeur» (Lamping, Das lyrische Gedicht, 72), de l’attitude de réception de la «résonance empathique» (einfühlenden Mitschwingens) – ou de «l’ancêtre sombre intuitif» (intuitiv-dunklen Ahnens) (notre trad.; Von Wilpert 488-492), qui lui est associé, – de son «surplus de sens» (Bedeutungsüberschuß) (notre trad.; Lamping, Das lyrische Gedicht, 53), caractéristique, de sa capacité de «sémantisation maximale» (maximaler Semantisierung), voire de «l’overkill of meaningfulness» (Wolf 25) potentiel ou encore de «l’après-vie du sens mythique sous forme esthétique» («Nachleben des mythischen Sinns in der ästhetischen Form»; notre trad.; Schlaffer 27-36).

L’évidence esthétique de la poésie lyrique se fonde sur la représentation graphique ou phonétique d’une langue obstinée – dans une image-texte ou une performance. Cette langue obstinée, qui réserve à l’auditeur ses attracteurs avides d’attention et déroutants (surtout de nature prosodique, euphonique-phonétique, métrique et stylistique, mais aussi iconique ou performatif), indique de manière primaire la «médialité» de la langue et rend ainsi possible la constitution de sens (récursivement transcriptive), qui ne s’essouffle pas dans le contenu propositionnel. En s’appuyant sur les considérations de Klaus Weimar, on pourrait également formuler la chose ainsi: la compréhension des signes linguistiques perçus est la production de sens dans l’horizon de sa propre langue (Weimar 172) – le sentiment d’impuissance et de perplexité (bien connu de tout destinataire de poésie) face à une structure lyrique étant le précieux «équivalent émotionnel de l’intuition réflexive consistant à savoir que le sens de la structure lyrique n’a nullement été saisi lors de la première compréhension» et donc simultanément une instruction pour une réception qui remette en question, par le retardement ou l’insistance, des interprétations plus systématique et réflexives (Weimar 179).

L’interrogation de Weimar commence, par exemple, par «Quel est le rapport entre le titre du poème et les deux dernières strophes?» et se poursuit par «Pourquoi les compagnons chantent-ils de telles régions, avec des jardins envahis par la végétation et autres?», «Pourquoi tout cela est-il présenté comme le chant de deux compagnons et non comme des pensées de l’ego (le sujet d’énonciation), puisqu’il ne s’agit pas d’une citation littérale après tout? Pourquoi In der prächtigen Sommernacht est-il répété à la fin du dernier couplet?» (notre trad.; Weimar 179). Beaucoup d’autres questions pourraient être posées, d’autant plus que «le talent et la capacité d’un littéraire» se développent «exactement dans la même mesure» «qu’il développe sa capacité à objectiver sa première compréhension» (notre trad.; Weimar 179).

Ces questionnements littéraires et scientifiques poursuivent systématiquement et explicitement ce qui se passe de manière implicite et non propositionnelle dans la transcription récursive «à visée d’optimisation du sens», partant pour ainsi dire d’une forme de perplexité initiale. Plus une structure lyrique est simple – ou plus exactement: plus le type d’attracteur apparaît comme usité ou familier, plus le «potentiel perturbation» est faible, plus l’effort de compréhension peut être supprimé par l’affirmation ou la passivité herméneutique: c’est ce qui constitue le potentiel de fonctionnement de nombreuses chansons, ou par exemple de paroles utilisées rituellement (par exemple des prières) qui sont chantées, accompagnées ou entendues (souvent avec plaisir) sans que les orateurs ou les auditeurs aient à réfléchir à la signification de ce qui est chanté, accompagné ou entendu. Cela suggère, entre autres, qu’un aspect de la perception ou de la saisie de la poésie ne peut être distingué de la transcription récursive, même sous la forme d’un questionnement systématique de la structure lyrique: dans le cas de la poésie lyrique, la transcription récursive et l’affirmation «sensorielle» fonctionnent comme deux faces d’une même pièce. L’évidence esthétique peut en effet être analytiquement décomposée en ces deux composantes. Cela s’applique également aux structures lyriques complexes, où le destinataire n’a aucune chance d’effectuer une transcription récursive, notamment parce qu’il ne maîtrise pas la langue ou parce que la structure lyrique ne s’inscrit dans aucune langue existante, mais relève d’une langue inventée. La perception et l’interprétation primaires des attracteurs lyriques (surtout les rimes, les refrains, les vers, l’évidence stylistique dans le domaine de la position des mots, la métaphore, l’image-texte et la performance) sont systématiquement maintenues. La transcription récursive «interprétante» peut cependant être atténuée ou supprimée par l’habituation ou l’automatisation d’une part, ou par un trop grand sentiment d’étrangeté d’autre part. Dans ce cas, l’évidence esthétique représente une simple participation sensorielle à la facture de l’information, l’image-texte ou la performance, sans que la structure lyrique ne doive permettre directement et immédiatement l’accès à un «sens plus profond» formulable, même si cela est occasionnellement possible.

D’autre part, dans le cas d’une transcription récursive d’optimisation du sens, le mouvement réceptif ne peut se limiter à celle-ci, comme l’illustrent notamment les interrogations scientifiques de Weimar. Mais là aussi, la participation sensorielle joue un rôle – notamment en accompagnant la transcription récursive. La participation sensorielle – c’est-à-dire non seulement le fait de parler, de chanter ou même de danser sans retenue (dans le cas de paroles chantées et/ou accompagnes de musique), mais aussi le plaisir presque incompréhensible mais néanmoins plausible – respectivement le désir de son et de «beauté» ou d’étrangeté de la langue –, permettent finalement la formation non propositionnelle de «schémas significatifs».

Dans le cas de la poésie lyrique, l’évidence esthétique est donc produite par le destinataire sous deux formes différentes – qui se chevauchent ou se fondent l’une dans l’autre: dans l’effort réflexif de compréhension et dans la participation sensorielle. Le terme de «catalyseur» (Katalysator) me semble bien convenir pour conceptualiser le processus spécifique de réception et la relation entre les attracteurs lyriques et les évidences esthétiques. On pourrait dire que les attracteurs lyriques «déclenchent» l’élaboration d’évidences esthétiques et en déterminent le cours. En ce sens, la poésie peut être décrite comme un catalyseur générique de l’évidence esthétique sous les deux perspectives. Qu’il s’agisse de procéder à partir du signe du discours en passant par les structures de signes de discours jusqu’à la parole, ou encore à partir du signe écrit, en passant par les structures de signes écrits jusqu’au texte, la poésie est généralement soumise à cette double étape perceptive

(a) la perception et l’interprétation primaires des attracteurs comme références à la «médialité» de la langue,

(b) la transcription récursive à visée «d’optimisation du sens», en tant que génération processuelle de sens esthétiquement évident et/ou la génération d’évidence esthétique par la participation sensorielle.

La première de ces deux doubles étapes se réfère à la poésie comme un indicateur de la médialité linguistique. La seconde de ces deux doubles étapes (analytique) se réfère à la poésie en tant que catalyseur d’évidences esthétiques. En somme, ces considérations conduisent à l’élaboration d’une théorie de la poésie lyrique ayant la définition suivante. L’appellation de genre poésie lyrique (Lyrik) est destinée à désigner les éléments suivants:

            1. Les structures de signes linguistiques

            2. leurs attracteurs  

            3.  globalement et principalement

a) désigner la langue comme le médium d’une génération procédurale de sens

b)  constituer l’évidence esthétique de manière procédurale.

C’est exactement ce que définit la formule de définition catégorisante combinant des composantes typologiques et conceptuellement fonctionnelles et réservant ainsi le terme poésie lyrique à des structures de signes linguistiques telles que les unités de perception («formes»), devant être considérées comme des «indicateurs de la médialité linguistique et des catalyseurs de l’évidence esthétique».

Il peut s’agir de manifestation graphique de la langue – par exemple des caractères uniques, des constellations de caractères plus complexes, ou des textes représentés graphiquement et liés grammaticalement. Il peut également s’agir de manifestations phonétiques de la langue – par exemple, des signes discursifs uniques, des constellations de caractères plus complexes dans des formations de caractères, ou des paroles grammaticalement liées (parlées ou chantées). Il peut s’agir d’autres modalités du langage, comme la manifestation du langage par les signes/gestes. Les scientifiques de la littérature s’intéressent principalement à la poésie lyrique écrite, habituellement imprimée et qui est donc vue ou lue (poésie lyrique scripturale et visuelle) ou à ces «performances» parlées ou chantées, dans lesquelles la poésie lyrique est entendue (poésie lyrique vocale et auditive). Dans tous les cas, il peut s’agir de signes linguistiques fictifs ou factuels, et en principe, de signes linguistiques que nous pouvons attribuer à la «littérature» (en tant que système social et système symbolique), mais également de signes qui n’appartiennent pas à la «littérature» (historiquement, par leur appartenance à une poésie dite «pré-littéraire», ethnographiquement, en tant que poésie extra-littéraire ou culturellement et sociologiquement, en tant que poésie paralittéraire) –, qu’ils soient de la poésie littéraire ou non.

  1. Récemment, entre autres: Hillebrandt, Grundfragen der Lyrikologie; Hillebrandt, «Theories of the Lyric»; Culler; Hempfer; Jackson/Prins; Zymner, Funktionen der Lyrik; Zymner, Lyrik. Umriss und Begriff.
  2. À ce propos, voir: Zymner, «Theorien der Lyrik seit 1800», 21-34).
  3. Voir Lamping, «Lyrikanalyse».
  4. «Medium Sprache» 19; voir également:  Jäger/Linz, Medialität und Mentalität; Jäger, «Vom Eigensinn des Mediums Sprache».
  5. «‚Eigensinn‘ meint also einen Sinn, der in die Übermittlungsprozeduren der Sprache nicht als ein sprachtranszendenter Sinn gelangt, sondern im System selber produziert wird. Die Informationen, die in sprachlichen Prozessen übermittelt, übertragen, verschickt, adressiert werden, sind keine, die von sprachtranszendenten Instanzen – etwa einem vorsprachlichen Geist – in sprachlich-kommunikative Prozesse eingespeist würden» (notre trad.; Jäger, «Medium Sprache», 19).
  6. «in der Kommunikation aufgebaut und abgebaut, aktualisiert, eventuell aufgezeichnet, eventuell neu thematisiert. Sie kommen nicht als Bewußtseinsoperationen in das System, nicht als Wissen eines psychischen Systems, das vorher da ist und dann in die Kommunikation eingegeben wird»  (notre trad.; 24, cit. dans Jäger, «Medium Sprache», 19).
  7. «das nicht sprachtranszendente, sondern ausschließlich sprachgenuine Inhalte aus- und übermittelt. […] Die semantischen Gehalte von Sprachzeichen gehen […] ihrer Übermittlung durch Zeichenausdrücke nicht einfach voraus, sondern sie werden im medialen Modus performativer Vollzüge konstituiert» (notre trad.; Jäger, «Medium Sprache», 20-21).
  8. À propos de cette distinction, voir: Keller.
  9. «Wenn wir Zeichen verstehen, tun wir das nämlich nicht dadurch, dass wir uns an Übertragungsprozeduren irgendeiner Art beteiligen, sondern in der Regel dadurch, dass wir gegliederten Sequenzen von Lauten, graphematischen Figuren oder von Gebärden vor dem Hintergrund unseres eigenen sprachlichen Wissens Bedeutung zuweisen. Die Zeichenausdrücke, die wir deuten, haben für sich keine Bedeutung. Sie sind nichts anderes als mehr oder minder strukturierte Ketten physikalischer Ereignisse. In sprachlichen Interaktionen aktivieren beide Seiten, sowohl die sich jeweils Äußernden als auch die jeweils Verstehenden im Zuge ihrer produktiven und rezeptiven symbolischen Handlungen ihr je eigenes individuelles Bedeutungswissen, wobei der Prozess der Bedeutungszuweisung – bei aller Eingebundenheit in Sprachspiele und Lebensformen – im Hinblick auf das Gelingen der Verständigung äußerst fragil bleibt» (notre trad.; «Vom Eigensinn des Mediums Sprache» 54).
  10. «Sie sind geradezu Bedingungen dafür, dass sich die Sinngenerierung medienimmanent, das heißt ohne transzendente Sinnzuflüsse aus cartesianischen Kinos und ontologisch strukturierten Außenwelten vollziehen kann. Kurz: Sie sind Bedingungen für die Möglichkeit des sprachlichen Eigensinns»(notre trad.; Jäger, «Vom Eigensinn des Mediums Sprache», 56).
  11. «Die Bedeutung eines Sprachzeichens zu kennen, heißt, Möglichkeiten zu kennen, beim Evident-Werden semantischer Befremdung durch semantisches Mäandern (Paraphrasen, Erklärungen, Angabe von Synonymen etc.), d.h. durch die Um-schreibung (Transkription) des gestörten Sinnes, wieder auf semantisch vertrautes Gelände zu gelangen» (notre trad.; 59).
  12. À ce propos, voir: Stockwell 18. Zymner,«Wie ‚Flaschenpost‘ an ‚Herzland‘ stößt». En anglais dans le texte.
  13. En anglais dans le texte.
  14. «Where our attention is divided (typically by a complex literary text with several interesting characters, themes and a blend of stylistic features [Hervorhebung RZY]), there are various ways of understanding which parts we find most interesting» (notre trad.; Stockwell 19).
  15. À ce propos, voir: Berlyne; Zyngier et al.
  16. Fowler 69. En anglais dans le texte.
  17. «Das Verfahren der Kunst ist das Verfahren der ‚Verfremdung‘ der Dinge und das Verfahren der erschwerten Form, ein Verfahren, das die Schwierigkeit und Länge der Wahrnehmung steigert, denn der Wahrnehmungsprozeß ist in der Kunst Selbstzweck und muß verlängert werden»  (notre trad.; Sklovskij 15).
  18. «gründet in der Wahrnehmung einer Vielzahl von Teilen oder Einheiten, die in Mustern angelegt sind bzw. solche formen, durch den Leser. Der Leser muss die sprachlichen Merkmale und Muster zunächst einmal wahrnehmen und dann irgendwie eine Wechselbeziehung herstellen, d.h. verstehen, wie diese sprachlichen Elemente ‚miteinander verflochten‘ sind. Ein Autor muss zu diesem Zweck aus allen Möglichkeiten wählen, die das sprachliche Repertoire ihm anbietet (Neuschöpfungen mit eingeschlossen)» (notre trad.; Zyngier et al. 345).
  19. «liegen die kodierten Informationen unter anderem als Signale im Trägermedium der efferenten Nervenbahnen vor, bevor sie sich als muskulär(-aerodynamisch) initiierte Bewegungen der Sprechorgane (z.B. Stimmlippen, Velum, Zunge und Kiefer) manifestieren. Diese Bewegungen erzeugen Schwingungsmuster, die sich im Trägermedium Luft ausbreiten, was die Manifestation der kodierten Information innerhalb des zweiten Stadiums, der Transmission, ausmacht, durch die Radiation gelangen die als Schwingungsmuster manifestierten Informationen schließlich zum Hörer, bei dem das dritte Stadium, die Rezeption, beginnt. Hierin nehmen sie auf dem Weg zum Innenohr über die Trägermedien Trommelfell und Basilarmembran erneut verschiedene mechanische (u.a. akustische) Manifestationen an und werden letztlich in Signale auf den afferenten Nervenbahnen transformiert, die sie in die entsprechenden Areale im Gehirn des Hörers leiten» (notre trad.; Niebuhr 2).
  20. «Jüngere phonetische Theorien gehen nach dem Scheitern artikulatorischer und akustischer Definitionsversuche […] davon aus, dass der intuitiv vorgegebene Sprachlaut als diskrete Einheit durch den Hörer erst während des Prozesses der Sprachwahrnehmung aus akustischen Signaleigenschaften in Verbindung mit seinem Sprachwissen konstituiert wird» (notre trad.; Piroth 3).
  21. À propos de poésie politique, voir: Hinderer; Lamping, Wir leben in einer politischen Welt.
  22. À ce propos, voir: Kemmann; Campe; Köster; Scherer; voir aussi Baschera et Bucher.
  23. À propos du modèle de perception de la poésie, voir: Fromm, «An ego-psychological theory of altered states of consciousness». Fromm, «The nature of hypnosis and other altered states of consciousness»; Csikszentmihalyi, Flow – The Psychology of Evolution et Creativity; Anz 65. («Entrückungen»); À propos de la thématique poésie et émotion, voir également: Winko; Mellmann; Hülshoff; Otto et al.
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Notes
Pour citer cet article

Référence électronique

DOI: https://doi.org/10.26034/la.tdl.2020.1009

Traduction française:

Zymner, Rüdiger. «Vers une compréhension du ''lyrique'' dans les sciences littéraires». Traduit par Julia Cela. Théories du lyrique. Une anthologie de la critique mondiale de la poésie, sous la direction d'Antonio Rodriguez, Université de Lausanne, octobre 2020, https://lyricology.org/vers-une-comprehension-du-lyrique-dans-les-sciences-litteraires/?lang=fr.

Licence: Licence Creative Commons Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Version originale de l'article:

Cet article a été publié en allemand, sous une forme détaillée, sous le titre de «Interessante Zeichen für Sprache». Recherches germaniques, HS no. 14, 2019, pp. 39-58 (cahier «poésie»).

Auteurs

Rüdiger ZYMNER

Université de Wuppertal, D
Rüdiger Zymner est professeur de littérature générale et comparée à l'université de Wuppertal (D) depuis 1997. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages importants sur la poésie, dont Lyrik. Umriss und Begriff (Paderborn 2009), ou encore Funktionen der Lyrik (Münster 2013). Ses recherches se concentrent particulièrement sur la théorie des genres littéraires, la littérature et la cognition ou encore l’histoire littéraire. Parallèlement à son activité professorale, il est également engagé dans diverses associations comme l’association allemande de littérature comparée (Deutscher Komparatistenverband), l’association d'études allemandes (Deutscher Germanistenverband), la Société de Grimmelshausen (Grimmelshausen-Gesellschaft), une association à but non lucratif pour la promotion de la recherche scientifique et la diffusion des travaux de Hans Jakob Christoph von Grimmelshausen, ou encore la Société Gryphius (Gryphius-Gesellschaft), qui se consacre à la recherche interdisciplinaire de l'œuvre d'Andreas Gryphius (1616 - 1664) et de ses contemporains silésiens.

(Traduction)

Julia Cela, Université de Lausanne